L'abandon de Nafissatou Thiam : le naufrage de la politique sportive belge

Publié le 21/09/2025

Nafissatou Thiam aux Championnats du monde d’athlétisme 2022 ©Erik van Leeuwen via Wikimedia Commons

L'abandon de Nafissatou Thiam : le naufrage de la politique sportive belge

L’abandon de Nafissatou Thiam aux Mondiaux de Tokyo dépasse largement la seule dimension sportive. Il constitue le révélateur d’un dysfonctionnement profond dans la manière dont la Fédération belge d’athlétisme (Belgian Athletics) encadre ses athlètes de haut niveau.

Nafissatou Thiam est la plus grande championne belge actuelle. Double championne olympique, double championne du monde, figure respectée bien au-delà de nos frontières, elle a toujours porté nos couleurs avec dignité et succès. Qu’une athlète de ce calibre se retrouve dans une telle situation est inacceptable. Elle aurait dû bénéficier d’un climat de confiance et d’un accompagnement irréprochable afin de pouvoir défendre son titre mondial dans les meilleures conditions.

"Les athlètes francophones bénéficient-ils du même soutien que leurs homologues flamands au sein de Belgian Athletics ?"

La question de fond ne peut être éludée : les athlètes francophones bénéficient-ils du même soutien que leurs homologues flamands au sein de Belgian Athletics ? Les tensions récurrentes et les témoignages qui émergent depuis plusieurs années laissent penser qu’il existe un déséquilibre. Si tel est le cas, il s’agit d’un problème structurel grave qui doit être traité sans détour. Le sport est censé rassembler les Belges, il ne peut en aucun cas devenir le miroir de fractures communautaires.

Dans ce contexte, le rôle de la Ministre des Sports en Fédération Wallonie-Bruxelles est crucial. Jacqueline Galant a affirmé vouloir jouer un rôle de conciliatrice entre Nafissatou Thiam et la fédération. Il ne faut pas que cela soit uniquement un effet d'annonce en sortie des championnats du monde. Réunir les parties pour calmer les tensions ne suffira pas. Il faut une réflexion plus large : garantir que ce qui est arrivé à Nafissatou Thiam ne se reproduise pas pour d’autres sportifs demain. La Ministre doit se positionner non seulement comme médiatrice dans ce dossier, mais également comme actrice de la défense et de la protection de l’ensemble des sportifs relevant de la Fédération Wallonie-Bruxelles !

"Jacqueline Galant doit se positionner non seulement comme médiatrice dans ce dossier, mais également comme actrice de la défense et de la protection de l’ensemble des sportifs relevant de la Fédération Wallonie-Bruxelles !"

La Fédération Wallonie-Bruxelles doit, elle aussi, assumer pleinement sa responsabilité : mettre en place une politique de soutien ambitieuse, structurée et équitable pour ses sportifs de haut niveau. Les contrats Adeps doivent aussi être un véritable levier de protection et d’émancipation pour ceux-ci.

Cette crise illustre également une autre réalité préoccupante : la santé physique et mentale des athlètes ne reçoit pas toujours l’attention qu’elle mérite. Derrière les titres et les podiums, il y a des femmes et des hommes avec leurs forces, mais aussi leurs fragilités. Belgian Athletics et ses dirigeants doivent se souvenir que leur mission première n’est pas de préserver une image ou de défendre des intérêts commerciaux, mais bien de protéger les sportifs et de leur permettre d’exprimer pleinement leur potentiel. Ce qui n'a pas du tout été le cas avec Nafissatou Thiam.

Il est désormais nécessaire d’aller plus loin :

- La Fédération belge d’athlétisme doit être évaluée de manière indépendante, afin de déterminer s’il existe des biais structurels dans son fonctionnement.

- Les mécanismes de gouvernance de Belgian Athletics doivent être revus pour assurer transparence, équité et confiance.

- Une véritable réforme doit être engagée pour garantir que les athlètes, et non les querelles institutionnelles, soient au cœur du projet sportif belge.

Nafissatou Thiam ne méritait pas ce traitement. Son parcours exceptionnel est un motif de fierté nationale. Tirons les enseignements de cet épisode pour qu’aucun athlète belge, aujourd’hui ou demain, ne soit contraint de vivre une telle injustice. La réforme de notre système sportif et de Belgian Athletics n’est plus une option : c’est une nécessité !